Toutes les bonnes choses ont une fin. Après 7 ans d’activité en maraîchage biologique et diversifié, j’ai passé la main avec un sentiment mêlé de satisfaction et de regrets.
Satisfaction surtout, car depuis mon installation à partir de rien en 2017 jusqu’aux dernières et généreuses distributions de cet été, le parcours fut très enrichissant, sur le plan technique, agronomique et humain.
Les premiers semis, les tentatives ratées qui s’améliorent avec le temps, la découverte et la résolution d’un problème mécanique, la perception du contexte de développement de chaque légume forment à l’observation active, à la modestie, au compromis et à la perception subtile. Apprendre à se mettre à la place d’un concombre n’est pas chose aisée mais l’exercice en vaut la peine ! Les longues journées au milieu de la flore et de la faune locales furent source de grand bonheur, tel un chemin initiatique personnel aussi profitable que la finalité de la démarche : nourrir le monde avec de bons produits sans dégrader l’environnement. Quel bonheur de voir les enfants grandir, croquer les tomates à pleines dents ou grignoter les haricots crus en se régalant. Qui a dit que les enfants n’aimaient pas les légumes ? Quel bonheur aussi de croiser des consommateurs qui deviennent parfois des amis. La fête organisée lors de la dernière distribution en fut un bon exemple.
Venant d’une multinationale de la « tech » grouillante de réunions en tout genre, l’isolement au travail ne fut finalement pas l’épreuve que je redoutais. D’abord en raison d’une connexion fréquente aux podcasts de France Inter et France Culture. Ensuite, du fait d’un passage aléatoire et apprécié de quelques (trop rares) amapiens venus donner un coup de main. Enfin, à cause de toutes ces petites observations du quotidien qui finirent par me faire penser qu’entouré de milliers d’êtres vivants non humains, je n’était pas seul, même si les discussions restèrent limitées !
Pas seul dans les champs certes, mais seul à la barre de l’entreprise. Malgré une amélioration de mes connaissances et pratiques agronomiques, je n’ai jamais réussi à supprimer l’inquiétude liée au potentiel manque de légumes à distribuer. La commercialisation en AMAP nécessite une vigilance sur les quantités, la qualité et la régularité. Beaucoup de contraintes dans un environnement sans cesse changeant. En reproduisant strictement la même pratique d’une année à l’autre, le résultat peut être totalement différent tant les paramètres contextuels du vivant et de la météo sont nombreux et variables. J’ai donc souvent planté « un peu plus », « en cas de mauvaise surprise », et finalement rempli largement mes paniers, pour le plus grand plaisir des abonnés.
S’il est difficile de tout réussir, il est également difficile de tout rater dès lors que l’on est bien présent pour suivre ses cultures.
Bien présent, c’est là que le bât blesse… A mesure que le plaisir de la découverte et l’excitation des premiers temps laissent place à une activité plus rodée, le nécessaire passage quotidien à la ferme devient pesant voire aliénant. Seul, point de vacances, point de week-end balade ici ou là…
Avant mon installation en 2017, j’espérais trouver une organisation partenariale pour partager le travail et conserver un peu de temps libre, propice à la solidité et à la pérennité de l’activité. En vain. Il y a quelques temps, j’ai entamé une recherche d’association dans le même esprit, hélas sans succès.
Malgré les envies fugitives de retour à la terre via une agriculture biologique sauveuse d’un modèle agricole mortifère, la réalité est plus terne. Au-delà de l’image sympathique de ce métier proche de la nature, travailler dur et beaucoup pour gagner peu n’attire pas les foules. Et l’absence de revenu minimum agricole (*) ne sécurise pas les candidats potentiels.
Faute de projet partenarial, touché par l’éloignement d’un départ à la retraite décidé par un président méprisant pour les premiers de corvée, j’ai décidé de transmettre l’activité pour de nouvelles aventures.
Merci à toutes celles et ceux qui ont participé de près ou de loin à cet épisode inoubliable ! Merci en particulier à ma pacsée pour son aide, sa patience et sa bonne humeur indéfectibles.
En attendant de tourner définitivement la page, je vais tenter d’écouler mon stock de légumes d’automne hiver.
Amapiens ou non, je vous propose des pommes de terre, courges, oignons (rouges, rosés, jaunes), échalotes, de l’ail et des poireaux via une réservation en ligne et une vente tous les 15 jours.
La boutique sera ouverte sur le site fin septembre.
* vieux projet de la confédération paysanne toujours ignoré des gouvernements et ô combien d’actualité à mesure que des tombereaux de paysans partent à la retraite
Salut Vincent,
Suite à ton mail j’ai pris le temps de lire ton billet « fin de l’aventure »
Merci de nous partager tes émotions ressenties au cours de cette belle aventure.
Je t’envoie tous mes voeux pour la suite, quelle qu’elle soit !
Amicalement
JP Thomas
Vincent,
Il n’est pas trop tard pour un reportage sur « l’homme qui se mettait à la place des concombres » ! Je suis certaine qu’on aurait un certain succès de lectorat…Et qui sait ? Un podcast sur France Culture ?
Amitiés,
Marianne
Le temps est venu de savourer sans arrière-pensée ni anxiété l’humide douceur du climat breton …
MERCI +++ pour TOUT à vous deux, Julie et Vincent et un grand BRAVO pour tous ces magnifiques paniers de savoureux légumes !